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Tout sur Le Sacré-Coeur

Publié le 22/06/2024

Historique du projet et construction

Montmartre, colline sacrée

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Depuis longtemps la colline de Montmartre a été un lieu de culte : paganisme gaulois supposé puis temples gallo-romains dédiés à Mercure et probablement à Mars ; culte chrétien après le martyre de l'évêque saint Denis au iiie siècle, chapelle surmontant la crypte du martyrium de saint Denis, construction au xiie siècle de l'église Saint-Pierre, parmi les plus anciennes de Paris, pour l'abbaye royale de Montmartre par le roi Louis VI et sa femme Adélaïde de Savoie. Le nom de la colline de Montmartre vient selon les uns du nom du lieu, Mons Martis (mont de Mars) ou selon les autres de Mons Martyrum (mont des Martyrs). L'église de Montmartre qui s'est substituée aux temples romains a été élevée en l'honneur des saints martyrs saint DenisRustique et Éleuthère décapités selon la légende4 sur la colline et dont une chapelle, située sur le flanc sud de la butte, devait commémorer le lieu traditionnel du supplice, en prenant le nom de Saint-Martyre.

Le mont de Mars a donc pu être réinterprété vers le ixe siècle en Mont des Martyrs (Mons Martyrum), puis par dérivation populaire en « mont de martre », martre signifiant « martyr » en ancien français5. La substitution toponymique du mont païen par le mont chrétien reste cependant hypothétique et la double étymologie (mont de Mars et mont des Martyrs) est encore actuellement traditionnellement proposée. Il faudrait, « pour pouvoir trancher la question, savoir comment le peuple, dans son langage parlé, appelait cette colline avant le ixe siècle, puisque c'est à cette époque que les documents écrits enregistrèrent le changement de nom »6

Le vœu national de 1870-1871

Alexandre LEGENTIL, par Nadar.

Dans une lettre adressée aux curés de son évêché nantais le 4 septembre 1870, jour de la déclaration de la Troisième République, Mgr Félix Fournier attribue la défaite de la France dans la guerre franco-prussienne de 1870 à une punition divine après un siècle de déchéance morale depuis la révolution de 1789.

Cette lettre a pu inspirer un vœu prononcé en décembre de la même année par le philanthrope Alexandre Legentil devant son confesseur le père Gustave Argand, dans la chapelle du collège Saint-Joseph de Poitiers dont ce dernier était le recteur8. Une urne sur une colonne au fond de la chapelle des morts de la crypte rappelait que ce vœu était à l'origine de la construction de la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre.

 

Alexandre LEGENTIL rédige en janvier 1871 ce vœu personnel :

 « En présence des malheurs qui désolent la France et des malheurs plus grands peut-être qui la menacent encore. En présence des attentats sacrilèges commis à Rome contre les droits de l'Église et du Saint-Siège, et contre la personne sacrée du Vicaire de Jésus-Christ nous nous humilions devant Dieu et réunissant dans notre amour l'Église et notre Patrie, nous reconnaissons que nous avons été coupables et justement châtiés. Et pour faire amende honorable de nos péchés et obtenir de l'infinie miséricorde du Sacré-Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ le pardon de nos fautes ainsi que les secours extraordinaires, qui peuvent seuls délivrer le Souverain pontife de sa captivité et faire cesser les malheurs de la France. Nous promettons de contribuer à l'érection à Paris d'un sanctuaire dédié au Sacré-Cœur de Jésus11. »

La forte personnalité d'Alexandre Legentil dans le paysage catholique parisien et ses nombreuses relations permettent au projet d'acquérir une dimension nationale. Avec son beau-frère Hubert Rohault de Fleury, peintre et autre notable parisien, il entame les démarches qui doivent aboutir à la réalisation de la basilique du Sacré-Cœur plusieurs décennies plus tard. Tous deux sont des disciples de Frédéric Ozanam, fondateur de la Société de Saint-Vincent-de-Paul qui « a uni au service des plus pauvres le monde « orléaniste » des affaires de la rive droite au monde « légitimiste » de l'aristocratie terrienne de la rive gauche »

Selon l'historien Miguel Rodriguez, le concept de vœu est fondamental, en tant que « promesse faite à Dieu ». De la relation spirituelle des mystiques avec Dieu au « vœu national », en passant par la fondation d’ordres se réclamant du Sacré-Cœur ou d'églises du Sacré-Cœur, l’histoire de la dévotion montre que le vœu assumé, vis-à-vis de cette figure, peut être, aussi bien un comportement individuel qu’une manifestation de foi collective : il va associer au xixe siècle un engagement religieux et des pratiques laïques. Il est pour lui une continuité totale avec le vœu de Louis XIII, de Marguerite-Marie Alacoque au roi Louis XIV et de celui de Louis XVI dans la prison du Temple

Le vote de l'Assemblée nationale

La tour du campanile percée de baies tripartites, coiffée d'un dôme dont le tambour abrite une galerie à arcades et qui est surmonté d’un toit conique à lanternon. Au-dessus de la loggia, quatre figures ailées, sculptées par Henri Bouchard, surmontent chaque ange15.

Les promoteurs de la construction du Sacré-Cœur font appel fin 1872 à l'Assemblée nationale afin que l'église soit reconnue comme étant d'utilité publique.

C'est en effet le seul moyen semblant possible pour acquérir les terrains nécessaires, propriétés de la ville et de nombreux particuliers.

L'Assemblée nationale élue en février 1871 pour élaborer une Constitution compte alors 396 députés royalistes (sur un total de 686 membres) qui sont en grande partie des catholiques intransigeants16.

Après des débats houleux, la loi d'utilité publique est votée le 24 juillet 1873 par 382 voix contre 138, tandis que 160 députés se sont abstenus.

Elle offre à l'archevêque de Paris (Mgr Guibert) la possibilité de se porter acquéreur des terrains sur la colline de Montmartre par voie d'expropriation si nécessaire : les terrains visés, situés derrière l'église Saint-Pierre, sont occupés par des guinguettes, un champ de foire et des jardinets.

Le choix de ce site fait du futur Sacré-Cœur le bâtiment le plus haut et le plus visible de la capitale, manifestant la vocation ostentatoire du projet. Il est aussi prévu que l'église « sera construite exclusivement avec des fonds provenant de souscriptions » et « sera à perpétuité affectée à l'exercice public du culte catholique »

La construction a commencé après la répression puis l'instauration d'un « ordre moral » promu par les conservateurs dans l'Assemblée nationale de 1871 et des rapprochements ont été faits par les constructeurs eux-mêmes.

Construction

Le 16 juin 1875, l'archevêque de Paris, le cardinal Guibert pose la première pierre de la basilique (un marbre rose de Bouère), non loin de l'ancien moulin de la Galette, d'où le surnom donné à la basilique par le peuple de Montmartre, « Notre Dame de la Galette »36. L'œuvre est confiée à la congrégation des oblats de Marie-Immaculée.

Détruite en 1874, la tour Solférino se trouvait à l'emplacement approximatif actuel de la basilique.

Des mois sont nécessaires afin de consolider les fondations : les galeries souterraines, les glissements et effondrements de terrain imposent la construction de 83 puits d'une profondeur de trente-trois mètres et le remplacement de 35 000 m3 de terre meuble par leurs équivalents de pierre et de ciment. Remplis de béton et reliés par de puissantes arcatures, ils font office de piliers qui vont chercher la couche solide de la butte sous la glaise.

Dès le 3 mars 1876, l'archevêque de Paris inaugure à côté des travaux une chapelle provisoire. En 1878 débute l'édification de la crypte et, en 1881, celle de la basilique. L'intérieur de la nef est inauguré le 5 juin 1891.

La Troisième République fondamentalement anticléricale veut retirer à l'Église la jouissance de la basilique et la transformer en maison du peuple ou en théâtre.

Dans un souci d'apaisement, le gouvernement Clemenceau fait voter la loi du 13 avril 1908 mettant fin au séquestre du Sacré-Cœur qui « devient propriété de la ville de Paris et ne saurait être désaffecté, sauf nouvelle loi »..

Rauline et Magne conservent le plan original d'Abadie mais ajoutent des éléments néo-Renaissance (formes des fenestrages en plein cintre, dômes élancés)42.

Alors qu'Abadie a prévu des dômes hémisphériques romano-byzantins, Magne les remplace par des coupoles allongées au style néo-Renaissance, ce qui leur donne une forme ovale.

Ce changement du message architectural d'origine vise à corriger la déformation optique que ressentent les pèlerins sur la parvis de l'église : les coupoles manquent de hauteur, si bien que l'élan vers le ciel disparaît, caché par les soubassements du sanctuaire43.

Les vitraux posés entre 1903 et 1920, sont détruits pendant la Seconde Guerre mondiale et remplacés par des vitraux contemporains.

Le campanile (tour-lanterne) qui, avec la croix qui le domine, se dresse à 91 m de hauteur  est terminé en 1912, mais il faut attendre 1914 pour que l'ensemble de la façade soit achevé.

La consécration de l'église et son élévation à la dignité de basilique mineure, initialement prévue le 17 octobre 1914, est reportée à cause de l'entrée en guerre.

Elle a lieu le 16 octobre 1919, célébrée par le cardinal Vico, en présence du cardinal Amette, archevêque de Paris, et de nombreux évêques, dignitaires ecclésiastiques, membres du clergé, personnalités civiles et simples fidèles.

Le bâtiment est officiellement achevé en 192346 avec la finition de la décoration intérieure, notamment les mosaïques de l'abside47.

Les années 1930 voient le début de la construction des annexes, sacristie, bureaux et dortoir pour accueillir les pèlerins.

L'édifice n'est définitivement achevé qu'après la Seconde Guerre mondiale dont les bombardements ont détruit les vitraux. « Au total, le programme a coûté six fois plus cher que prévu et a duré plus d'un demi-siècle ».

 

 

 

 

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